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3 questions au Professeur Jean-Gabriel Ganascia, Membre de l'Observatoire B2V des Mémoires


Rédigé par Communiqué de l'Observatoire B2V des Mémoires le 4 Janvier 2022

Mémoire digitale : Intelligence artificielle & Big Data



L'intelligence artificielle a fait d'énormes progrès ces dernières années et reste un objet de fantasmes, d'espoirs et de craintes. Discipline scientifique née dans les années 1950, l'IA fascine autant qu'elle inquiète, encore aujourd'hui. Pour beaucoup d'entre nous, l'image des robots en train de conquérir le monde reste bien présente dans nos esprits, même si cela reste bien éloigné de la réalité. Mais finalement, que sait-on de l'intelligence artificielle ? Comment s'inspire-t-elle de notre mémoire ? Quels sont les avantages et les dérives liés à l'IA ? Il est maintenant rare d'évoquer l'intelligence artificielle sans évoquer le Big Data, mais quelles sont les conséquences de ce dernier sur notre mémoire humaine ? A la veille de la grand-messe de la tech, le CES à Las Vegas, Jean-Gabriel Ganascia, professeur d'informatique spécialiste de l'IA, membre du Conseil scientifique de l'Observatoire B2V des Mémoires et ancien président du comité d'éthique du CNRS, a décidé de nous éclairer sur ces questions.

1 - Comment l'intelligence artificielle s'inspire-t-elle de notre mémoire ?
Dès son origine, à la fin des années 1950, l'intelligence artificielle a tenté de modéliser des phénomènes psychiques relatifs à la mémoire, en particulier la différence entre la mémoire à long terme et la mémoire à court terme. L'architecture des premiers systèmes de résolution de problème, qui distinguaient une composante dynamique, la base de faits, et une composante plus statique, la base de connaissance, s'en voulait le reflet. Dans le même ordre d'idées, très tôt, des techniques d'apprentissage machine s'inspirèrent des processus de « chunking », c'est-à-dire d'agrégation d'éléments d'information dans une entité unique, afin d'en faciliter la mémorisation. Ainsi en est-il allé du système EPAM (Elementary Perceiver and Memorizer) d'Edward Feigenbaum qui visait à approcher des phénomènes linguistiques d'association de mots. Plus tard, dans les années 1970, la représentation des connaissances a tiré parti des travaux de psychologie de la mémoire de Sir Charles Bartlett sur les schémas, puis d'Eleanor Rosch sur les prototypes et de Ross Quillian sur les réseaux sémantiques, pour concevoir les cadres de données et les graphes conceptuels qui sont à l'origine des ontologies formelles, du web sémantique et des langages dits « orientés objets ».

2 - Quels sont les points positifs et les dérives liés à la modélisation de la mémoire ?
La modélisation des mémoires humaines a beaucoup apporté à l'intelligence artificielle et elle continuera à le faire dans le futur. L'hypertexte, les représentations sémantiques ou les mémoires associatives s'en inspirent ; ils illustrent les apports réciproques de l'intelligence artificielle à la psychologie et vice-versa. De multiples applications pratiques en bénéficient. Il n'y a là que des points positifs. Le risque est ailleurs, dans une vision outrancièrement simplificatrice qui réduirait la mémoire à des dispositifs élémentaires de stockage d'information. Cela conduit des entrepreneurs comme Elon Musk à laisser entendre que l'on sera en mesure d'accroître nos mémoires internes en greffant de tels mémoires informatiques sur nos cerveaux. C'est bien évidemment ridicule, car la mémoire, au sens psychologique ne se réduit pas à un simple enregistrement d'information ; elle est le siège de bien d'autres phénomènes, comme la réminiscence, la réactivation des souvenirs ou l'anticipation, que seule la psychologie cognitive aide à comprendre.

3 - Depuis plusieurs années, le terme Big Data est partout. Quelles sont les conséquences du Big Data sur la mémoire humaine ?
On appelle « Big Data » les très grandes masses de données collectées soit par les « géants de la toile », tels Google ou Facebook, soit par certains scientifiques qui utilisent de très grands instruments, comme les radiotélescopes. Les volumes de données générés donnent le vertige : on les compte en péta-octets, 1015 octets, c'est-à-dire en millions de milliards d'octets ! Leur exploitation sert des fins commerciales, politiques ou scientifiques. Ces immenses réservoirs d'information comprennent des textes, des images, des musiques, des voix humaines, des films, des mesures physiques etc. On peut craindre qu'en disposant instantanément de tout ce qui fait la culture, poèmes, romans, pièces de théâtre, chansons, partitions musicales, nous n'éprouvions plus la nécessité d'apprendre, voire même de lire de bout en bout les grandes œuvres du patrimoine, parce qu'elles demeurent accessibles à tout moment. Il s'ensuivrait un monde d'incultes… Mais, cette inquiétude n'est peut-être pas justifiée. D'ailleurs, elle est ancienne : l'invention de l'écriture, puis celle de l'imprimerie, suscitèrent des réactions de cet ordre. Songeons au Phèdre de Platon qui manifestait déjà des réserves de cet ordre face à l'écrit. À l'inverse, on peut — et je crois que l'on doit — se réjouir de la mise de toutes les connaissances du monde à la portée de tous.




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