La transformation digitale des entreprises européennes : Teradata y croit mais reste lucide


Rédigé par le 14 Septembre 2016

En Europe du Sud, comme dans d’autres pays certainement, il est parfois difficile de faire évoluer les pratiques. Et si Teradata affiche la transformation digitale comme le mot clef de sa conférence utilisateurs, c’est sans doute le mot de “transformation” que Eric Joulié, qui dirige Teradata pour l’Europe de l’Ouest, du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique, a le plus de mal à faire passer auprès de ses clients.



Alors, l’Europe est-elle en retard ou prend-elle du recul ?

Lorsqu’on demande à Stephen Brobst, Chief Technology Officer de Teradata, comment il perçoit les différences de maturité entre les pays, en matière de “digitalisation”, il n’est clairement pas tendre avec les “vieux pays” européens. Trop de régulation, trop de poids de la hiérarchie organisationnelle dans les entreprises, trop peu de capacité d’innovation, et trop peu de concurrence dans certains secteurs. “La compétition crée l’innovation”, explique Stephen Brobst. Certains secteurs semblent tout de même plus en avance, le secteur bancaire par exemple, quand d’autres comme la santé ou le secteur public piétinent.
Une position que Eric Joulié, vice-président en charge, entre autres pays, de la France, tente de tempérer, soulignant que la croissance de Teradata dans notre pays est excellente, paradoxalement dans une situation économique globale plutôt tendue en Europe. Le challenge de la digitalisation est présent dans tous les secteurs, et Eric Joulié souligne qu’en quelques années, de nombreuses banques françaises ont fait l’acquisition d’une solution Teradata : LCL, Crédit Agricole, Société Générale; non seulement pour optimiser leurs opérations marketing, mais également pour des applications de gestion des risques, ou liées à la réglementation. Une réglementation qui, selon Eric Joulié, serait en fait également apporteur d’affaires, par les outils qu’elle impose aux banques de mettre en place.
Demain, pour Teradata, c’est le secteur des assurances qui sera en transformation. Moins avancé que le secteur bancaire en matière de digitalisation, l’assurance devrait venir consolider les efforts de l’éditeur dans les autres domaines où il est présent : télécommunications, distribution, énergie.

En matière d’internet des objets, la différence est tout de même importante avec les projets présentés par de grands clients internationaux comme Boeing ou Siemens. Ce dernier, au travers d’une vision stratégique d’évolution de son modèle d’affaires, place la donnée au coeur de ses activités, dans les turbines à gaz, dans les transports, le médical… “Il faut une impulsion de la direction générale pour transformer l’entreprise. Le modèle d’Europe du Sud est trop hiérarchique, avec trop de baronnies dans certaines entreprises. La digitalisation de l’entreprise doit être abordée au travers d’une réflexion sur les modèles économiques”, explique Eric Joulié.
Mais au sein de l’Europe, des différences importantes subsistent. Le concept “Industrie 4.0” est promu par les allemands qui ont conservé une grands partie de leur industrie locale, surtout dans la haut de gamme. “Mais en France, nous n’avons pas de politique industrielle. La digitalisation devrait être mise au service de la réindustrialisation du pays. Nous avons un bon système éducatif, un bon système de transport, de bonnes infrastructures; mais nous devons produire des biens à plus forte valeur ajoutée, comme les Allemands”, précise Eric Joulié.

Une transformation digitale que Teradata s’applique à lui-même

Eric Joulié, Teradata
Chez Teradata, cette évolution des modèles économiques a aussi un impact interne. Hier encore éditeur de logiciels et constructeur de machines, Teradata évolue de plus en plus vers une offre de services, qui inclut du logiciel, et de moins en moins de matériel. Teradata continue d’ailleurs d’étoffer son département de consulting, et a même racheté aux Etats-Unis pendant l’été une société spécialisée, Big Data Partnership Consultancy. Il avait déjà racheté en 2014 la société de services Think Big Analytics.
En matière d’approche commerciale, Teradata dit travailler principalement avec les utilisateurs futurs de ses solutions, plutôt qu’avec les directions informatiques. Une approche qui le différencie de SAP, plutôt connu pour aborder les directions générales sur les terrains de golf pour faire ensuite diffuser sa vision de haut en bas. Étonnement, Teradata semble dire ne pas croiser SAP sur son chemin commercial. Pourtant, sur le papier, SAP HANA pourrait être mise en concurrence avec les solutions de Teradata. Mais SAP ne serait pas sur les mêmes dossiers. “HANA est plus une machine pour battre Oracle Applications que pour concurrencer Teradata”, analyse Eric Joulié. “Nous avons perdu un seul dossier contre SAP sur une cinquantaine de nouveaux clients ces dernières années, et pour des raisons politiques internes en effet. Mais dans neuf cas sur dix, SAP HANA n’est pas en short list”.

Et une relation apaisée avec l’écosystème Hadoop

Concernant Hadoop, Eric Joulié reconnaît que l’approche vis à vis de ce nouvel outil n’a pas été optimale au départ. Certains distributeurs de Hadoop tentaient eux-mêmes de le positionner contre Teradata, et l’éditeur n’a pas réagi intelligemment pendant les premières années de croissance de Hadoop. Mais en 2016, à en juger le nombre de clients qui témoignent d’une utilisation conjointe, c’est bien la complémentarité entre les deux systèmes qui prévaut. La combinaison Hadoop (Teradata travaille avec les deux principales distributions, Cloudera et Hortonworks) pour le lac de données, QueryGrid, et la base de données Teradata pour les analyses, est couramment présentée.

Mais le futur de Hadoop reste encore incertain. Pas dans sa version libre gérée par Apache, mais dans ses distributions commerciales. “80 % de notre marché a choisi Hortonworks”, détaille Eric Joulié. Mais les distributions Hadoop ont bien du mal à gagner leur vie, et leur pérennité est incertaine. Que se passerait-il si Hortonworks ou Cloudera devaient abandonner ? Teradata devrait-il choisir de s’emparer d’une des deux, au risque de décevoir l’autre partie de ses clients; ou laisser un de ses concurrents mettre la main sur un ou plusieurs distributions ?
Pas de réponse officielle de Teradata sur ce qui n’est, bien sûr, qu’une hypothèse de réflexion.

Teradata met plutôt en avant son projet Presto, mise en oeuvre en partenariat avec Facebook. Presto est un composant open source, pour accéder, en SQL, à différentes sources de données, dont Hadoop, Cassandra, MySQL, PostgreSQL… Créé par Facebook, Presto est maintenant géré par Teradata, qui a mis une équipe de vingt personnes sur le projet. Plusieurs grandes sociétés du domaine de l’Internet dont Airbnb, Netflix, ou encore Dropbox, utiliseraient déjà ce composant. Presto serait beaucoup plus performant et efficace que Hive. Siva Narayanan, développeur Big Data chez Qubole, synthétise les différences entre les deux outils, dans le tableau ci-dessous.

Demain le machine learning ?

En conclusion, bien sûr, tout va bien ! Les deux moteurs pour Teradata sont cette fameuse transformation digitale, et l'analytique appliquée à l'internet des objets. Teradata consolide sa base de clients en travaillant sur des projets structurants et fortement créateurs de valeur chez ses clients, dans le cadre de cette transformation digitale. Et s'il fallait à notre tour faire une prédiction, ce serait sans doute autour de l'intelligence artificielle, du machine learning, du deep learning... des sujets sur lesquels Teradata pourrait, ou devrait, se pencher dans les prochaines années, pour être plus présent, directement, sur ce segment de marché.



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