Ouverture des commerces le dimanche : les réseaux de distribution à la recherche de la rentabilité


Rédigé par Nicolas HUAULT, Groupe Iena le 12 Décembre 2014

La réforme du travail dominical, l'un des volets de la loi sur la croissance, a été présentée mercredi dernier en Conseil des ministres. Ce projet sera débattu au Parlement début 2015. Les acteurs de la distribution, quelle que soit leur taille, devront examiner toutes les conséquences de ce changement pour en tirer le maximum de profit.



Nicolas Huault, Directeur associé Finance advisory – groupe IENA
Ouvrir le dimanche ne signifie pas simplement ouvrir un jour de plus. Cela a des conséquences. L’ouverture dominicale va permettre au retailer d’accroître sa visibilité, de satisfaire ses clients en leur offrant une plage horaire plus large, voire de capter une clientèle différente dans sa composition, ses attentes ou ses comportements. En revanche, elle aura indéniablement un coût, notamment salarial et organisationnel (gestion des plannings et repos compensatoires...).

Avant de se lancer dans la bataille, les réseaux de distribution devront revoir leurs forces et faiblesses sur chaque paramètre impacté (chiffre d’affaires et marge, frais de fonctionnement). Le changement législatif qui se profile est l’occasion de passer en revue les différents leviers du business model Retail, ses KPI’s et de s’assurer que chaque fonction de l’entreprise - et notamment la direction financière - dispose du bon référentiel de pilotage et des outils adaptés.

Pour que ce changement de paramètre rime avec rentabilité, les réseaux devront agir avec méthode.

Premièrement, analyser le trafic en fonction de l’implantation des points de vente

La première chose à faire est d’étudier le trafic généré le dimanche, de sorte à identifier l’apport strictement additionnel que cela apporte en termes de chiffre d’affaires, ainsi que l’impact de l’ouverture dominicale sur le trafic total hebdomadaire (dont le samedi). Il est également intéressant d’analyser l’évolution des taux de transformation (ratio nb d’achats/nb de visiteurs) et celle du panier-moyen en fonction des jours, voire de certaines plages horaires (pause déjeuner, fin d’après-midi). L’évolution du trafic pourra varier selon la nature de l’activité et donc de la pratique de l’achat (biens de première nécessité versus achats plaisir), le lieu (centre-ville, zone touristique, galerie marchande) mais aussi la concurrence. Un petit réseau pourra ainsi bénéficier du trafic généré par la présence d’une “locomotive”.

Cette analyse fine du trafic permettra d’opérer les bons choix et d’étudier toutes les alternatives possibles. Un retailer pourra ainsi choisir d’ouvrir ses points de vente en nocturnes plutôt que le dimanche, si cela est plus rentable.

Dynamiser les ventes tout en maîtrisant le ratio de la marge nette

Le choix d’ouvrir un jour supplémentaire implique de dynamiser l’offre pour stimuler le trafic et le transformer en acte d’achat.
Pour attirer le client 7 jours sur 7, le retailer peut agir sur l’offre et son merchandising. Les consommateurs aiment la nouveauté. Au retailer de s’adapter en accélérant le rythme de renouvellement de ses produits, en mettant en avant des offres spécifiques : produits d’inter- saison ou série limitée comme font les enseignes d’habillement avec leur collection « capsule ». La nouveauté a un coût, car se réapprovisionner en cours d’année demande de la souplesse que seul un sourcing proche du réseau de points de vente peut offrir. L’entreprise devra donc s’interroger sur la stratégie à mettre en place en matière de diversification de ses sources d’approvisionnement. Orienter le client vers la nouveauté demande également des investissements (nouvelles vitrines, animations commerciales, etc.) qu’il faudra amortir.

Le retailer pourra également agir sur la politique des prix, en privilégiant les offres promotionnelles, les bons de réduction (remise différée), les actions de fidélisation, etc. Pour être rentables, ces actions de dynamisation des ventes doivent reposer sur une gestion budgétaire rigoureuse. Se doter d’un outil de planification des approvisionnements et de pilotage du chiffre d’affaires brut à la marge nette (prix d’achat, remises immédiates et différées) devient un élément décisif pour la maîtrise de la rentabilité finale.

Maîtriser les coûts salariaux

L’ouverture d’un point de vente le dimanche impliquera également de revoir l’allocation des ressources en personnel, de recalibrer les ETP (Equivalent Temps Plein) par magasin, de remettre à plat la gestion des contrats et des primes et de prendre toute la mesure de coûts salariaux plus élevés le dimanche.

La redistribution du trafic sur l’ensemble de la semaine, l’optimisation du taux de transformation doit amener l’entreprise à faire les bons choix en introduisant par exemple des ressources supplémentaires sur certaines plages horaires dans le respect du droit du travail.

Cela nécessite de disposer de solutions adaptées pour piloter la masse salariale, gérer les contrats mais aussi les plannings. Seule une analyse financière fine du ratio de productivité horaire peut permettre au retailer de maîtriser ses coûts salariaux.

Contrôler et optimiser les frais généraux du point de vente

Ouvrir un jour de plus peut impliquer une évolution des loyers et charges locatives. Le retailer devra faire une analyse juridique et financière précise des baux au regard de cette extension d’activité. L’analyse des consommations (eau, électricité notamment) pourra conduire à des renégociations contractuelles. La direction financière devra également veiller à ce que certaines dépenses liées à la hausse du trafic ne dérapent pas. C’est le cas des coûts d’entretien et de sécurité.

La connaissance fine de chacun de ces coûts de fonctionnement comme leur élasticité devra s’appuyer sur un référentiel analytique approprié. Leur maîtrise dépendra de l’existence d’un bon contrôle interne. Faute de quoi, l’entreprise s’expose à des dépenses inconsidérées pouvant mettre en danger son équilibre financier.

A propos de Nicolas Huault
Nicolas Huault possède 20 ans d’expérience en contrôle de gestion dans le domaine du retailing. Une expertise en matière de pilotage financier qu’il a mise au service de retailers disposant de leur propre réseau de points de vente (succursales, affiliation voire concession) ou d’acteurs du wholesale réalisant leurs ventes au travers de différents canaux (GMS, grandes enseignes...). Il a évolué dans différents contextes organisationnels français et internationaux, travaillant aussi bien pour des directions financières ou des centres de profit et dans des secteurs variés : parfums/cosmétiques, textile, télécommunications. Partant de la modélisation des différentes activités et dans le but d’améliorer leur performance, il a mis en place des solutions décisionnelles, réalisé des projets de maîtrise des coûts et participé à la mise en œuvre d’ERP (SAP). Il a rejoint le cabinet IENA fin 2014 pour porter une offre de transformation des directions financières.



Dans la même rubrique :