Quel avenir pour le décisionnel en 2008-2010 ?


Rédigé par le 24 Décembre 2007

La question que l’on me pose le plus souvent en ce moment – depuis fin septembre en particulier – est « Où va-t-on ? ». Dans quelle direction se dirige le marché du décisionnel ?
Editeurs de logiciels bien sur, mais aussi intégrateurs et surtout utilisateurs, s’interrogent sur les grandes tendances de ce marché. Comment faire des choix, sans faire les mauvais ?
Tentons en cette fin d’année propice à la réflexion, de tracer quelques pistes de réflexion.



Plus que l'acquisition de Hyperion par Oracle, c'est le rachat prévisible pour certains mais inattendu pour beaucoup de Business Objects par SAP qui a créé le trouble. Les analystes ont immédiatement anticipé une vague majeure de concentration ; il n'a d'ailleurs fallu que quelques semaines pour qu'à son tour Cognos rejoigne IBM. La question est donc légitime, quelque soit le côté de la barrière duquel on se trouve. Pour un utilisateur, rien n'est plus perturbant que d'avoir sélectionné tel ou tel acteur pour la pérennité de sa solution et de craindre de voir son choix contrarié par des puissances supérieures ; pour un intégrateur, même si le choix de ces derniers reste de se laisser porter par le vent, il est toujours préférable d'anticiper quelque peu sur les mouvements du marché ; quant aux éditeurs restant, la concentration peut être à la fois inquiétante s'ils n'en font pas partie, ou se révéler une opportunité de croissance intéressante. Dernière catégorie concernée, les femmes et hommes qui composent nos entreprises ; vous, moi, qu'allons-nous devenir sur ce marché du décisionnel. Alors que les intégrations citées ci-dessus commencent à rejeter sur le marché du travail les titulaires de certains postes en doublon ou les victimes de l'inévitable réorganisation, il est légitime de se poser quelques questions sur notre avenir personnel…

Que vont devenir les grands ?
Penchons-nous pour commencer sur les « grands » acteurs leaders du marché du décisionnel et synthétisons en quelques mots ce qui peut être leur futur proche. Avant de les passer en détail individuellement, il me semble utile de débuter par une constatation qui s'applique à tous. Dans le décisionnel comme dans les autres secteurs du logiciel, intégration signifie presque toujours disparition médiatique : tout éditeur de logiciel plongé dans un autre éditeur plus gros que lui voit sa visibilité diminuer du carré de sa visibilité précédente… Archimède ne se retournera pas dans sa baignoire…
Prenons quelques exemples au hasard : Ascential… silence radio depuis l'intégration à IBM, Outlooksoft… disparu depuis l'intégration à SAP ; en informatique, contrairement à certains autres secteurs comme l'automobile, le rachat d'une entreprise signifie le plus souvent la disparition de la marque achetée. Comme si, dans un esprit revanchard, il fallait annihiler l'ancien concurrent plutôt que de développer en parallèle plusieurs marchés. Dans l'automobile, regardez comment procède un groupe comme Volkswagen ou Omnicom dans le domaine de la communication… préserver les marques pour multiplier ses chances auprès des clients. Dans le secteur informatique, Oracle est un des rares contre-exemples. Le rachat de Peoplesoft, JDEdwards, Siebel… n'a pas entrainé la disparition des marques, mais au contraire leur mise en avant.
En matière de décisionnel, globalement les rachats de cette année devraient ouvrir une période importante de non-communication de la part des acteurs concernés. Qu'avez-vous entendu comme prise de position majeure ces derniers mois de la part de Hyperion ou de Cognos ?
Mais prenons chaque acteur un par un :
- Business Objects doit, aux dires de l'entreprise, conserver une position indépendante au sein du groupe SAP. Premier corollaire du rachat, Business Objects vient en tous cas d'annoncer une hausse de prix de 10 % environ, sans doute pour mieux profiter de la riche clientèle SAP.
- Cognos risque bien de passer plusieurs mois dans le silence de la communication globale de IBM. L'exemple d'Ascential risque de se reproduire. La véritable raison en est que l'intégration à un écosystème tel que celui de IBM ouvre des portes à une clientèle interne accueillante. En se concentrant sur les clients IBM tout éditeur racheté peut délaisser sa communication externe et s'alimenter largement sur une base de clientèle captive.
- Hyperion semble en cours d'intégration… mais là encore le silence est d'or !
- Microsoft poursuit une stratégie basée sur le développement de fonctionnalités connexes à la base de données et l'intégration des rachats technologiques. Ainsi SQL Server 2008 est attendu pour le mois de février et Performance Point, dont une partie provient de l'intégration de ProClarity, sera le fer de lance du développement en 2008. Mais le lancement si précoce de SQL Server 2008, alors que nombre de clients viennent de mettre en place la version 2005, risque de rencontrer quelques résistances.
- SAS poursuit son chemin, sans trop dévier de sa ligne d'horizon. Son fondateur Jim Goodnight a encore confirmé il y a quelques jours avoir reçu en 2007 plusieurs propositions de rachat, sans avoir voulu pour autant modifier sa stratégie d'indépendance.

Et les petits-grands ?
Viennent ensuite les « petits-grands ». Sous cette terminologie, je regroupe l'ensemble de ceux qui disposent aujourd'hui d'une place reconnue sur le marché du décisionnel, sans pour autant avoir été racheté cette année. Ils s'interrogent et doivent se livrer actuellement à un double discours digne d'un porte-parole de la Présidence de la République s'exprimant sur la vie privée de son Président… Officiellement, ils souhaitent tous rester indépendants et l'affirment même comme une stratégie volontaire et assumée. Officieusement les petits-déjeuners et coups de fils se succèdent pour tantôt se signaler comme « disponible », tantôt répondre à des sollicitations. A l'exception de SAS dont le patron-actionnaire n'a pas besoin de faire ce grand écart, je peux vous garantir que plus un CEO vous détaille les raisons pour lesquelles il se réjouit de la concentration des autres et trouve des justifications à son statut d'indépendant, plus il travaille en coulisses à d'autres solutions. M., I., A., Q., B., O., J,. R… ils sont tous concernés par cette langue de bois !

Alors quelle place reste-t-il aux autres ?
Je peux tout d'abord vous confirmer qu'il reste une place ! Tout en étant en pleine phase de regroupement le décisionnel n'a jamais été dynamique. Et si le nombre de grands acteurs diminue, le nombre de petits éditeurs n'a jamais été aussi important. Prelytis, Spotfire, QlikTech, Synaxe, Friend, Excentive, Report One, Bristol Decision… et ce ne sont que quelques noms sortis des rendez-vous de ces derniers jours. L'attitude des clients est claire : ils ne sont en grande majorité pas favorables aux monopoles et voir toutes les cartes réunies entre les mêmes mains ne leur semble pas la bonne démarche. Ils n'hésiteront pas à regarder ce que font de plus petits, plus modernes, plus réactifs, éditeurs de logiciels. D'importants contrats restent donc à remporter. Mais alors quels conseils donner à un éditeur soucieux de profiter en 2008 de cette « fenêtre de tir » ?

Quelques conseils pratiques aux petits éditeurs
Suivant la formule consacrée, le conseilleur n'étant pas le payeur, ces remarques sont à prendre avec discernement et à adapter à chaque cas, mais il me semble que quelques conseils pratiques peuvent s'appliquer à tous :
- « Think different » nous disait la publicité Apple. Ce constructeur n'a réussi qu'en adoptant une stratégie disruptive. Dans le décisionnel, il n'est plus question de se distinguer en faisant comme les autres. Si vous me parlez d'un logiciel de reporting qui permet de réaliser des rapports et des graphiques sur la base de données agrégées et de diffuser ces rapports aux utilisateurs qui en ont besoin… vous serez sans doute le dixième à me dire la même chose dans la semaine… et vos prospects n'accorderont aucun intérêt à votre positionnement. Si vous faites ce que font les grands, laissez les grands faire… et différenciez-vous, innovez, inventez ! C'est en abordant votre marché sous un angle original que vous générerez attention et intérêt… et donc chiffre d'affaires. C'est un peu plus fatiguant que la stratégie du « me too » mais c'est la seule voix possible.
- Pliez-vous aux règles du marketing du XXIème siècle. C'est beau d'être une société d'ingénieurs et de le revendiquer. Mais quand votre site web date de 1987, votre logo des années 70 et que l'évocation même du terme « marcom » engendre chez vous un dégout immédiat… changez de métier. Le monde du logiciel en 2008 est ainsi fait ; on peut le regretter, mais c'est un fait, le marketing d'une solution est au moins aussi important que la solution en elle-même. Et je crains que malgré toute votre conviction, vous ne parveniez pas seul à modifier cet état de fait.
- Soyez ambitieux et prenez quelques risques. Je rencontre chaque semaine des « entrepreneurs » tout étonnés que leur logiciel pourtant commercialisé depuis dix ans, n'ait pas plus de quelques dizaines de clients. Mais qu'avez-vous fait pour le faire connaître ? Avez-vous pris des risques commerciaux ? Séduit des partenaires distributeurs ? Investit un minimum en « marcom » ? Ecueil souvent constaté, le mélange des genres entre éditeur et société de services : j'ai développé un beau produit, que je commercialise depuis dix ans, mais je fais tout le service qui va autour. J'en ai besoin pour assurer mon chiffre d'affaires, mais du coup je n'investis pas dans un réseau qui ne voit aucun intérêt à parler de mon produit… on tourne en rond…

Alors en conclusion, OUI !, le marché du décisionnel est mature mais il n'est pas encore retraité ! Il est mature car de grands acteurs bien implantés le dominent, mais la nouvelle génération est en marche. Elle parle de mash-up, tags, RSS, collaboratif, performance opérationnelle, décisionnel embarqué, données non structurées, mobilité… et certains de ces « petits jeunes » feront parler d'eux en 2008. Nous serons là pour être leur porte-voix ; j'espère que vous serez là pour nous écouter.





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