SAP dit "oui" à Sybase... pour la vie ?


Rédigé par par Philippe NIEUWBOURG le 20 Aout 2010



SAP et Sybase ont tenu hier, en présence de leurs plus hauts dirigeants, leur première conférence de presse commune. Alors que le rachat de Sybase par SAP a été validé par les différentes autorités, les deux sociétés peuvent commencer à communiquer sur leurs plans communs de développement. La conférence avait lieu à Boston et à Francfort, mais le brouillard était londonien...

Je ne me pencherai pas sur le contenu même de la conférence de presse, comptons sur SAP pour expliquer en détail ce qu’apportera l’offre Sybase mobile à ses applications. En un mot, il était en effet question de mobilité. Tous les autres sujets ont été survolés, que ce soit par les dirigeants ou lors de la très courte session de questions/réponses. Vous avez forcément besoin d’accéder à vos applications, opérationnelles ou décisionnelles, à toute heure du jour et de la nuit, depuis n’importe quel endroit, et ce qui est nouveau, depuis n’importe quel terminal. Que vous soyez Blackberry dans la poche droite de Vishal Sikka, CTO de SAP, iPhone dans sa poche gauche, ou Android, Symbian et que sais-je encore, la combinaison des compétences de Sybase et des applications SAP répondra à votre attente. C’est le concept du « on device ». Un kit de développement sera proposé aux développeurs partenaires d’ici neuf mois (entre six et douze plutôt) pour leur permettre de développer des accès mobiles à leurs applications.

Si l’on en vient aux « à côtés » de cette conférence de presse, elle nous a donné l’occasion de réfléchir à plusieurs sujets.

Commençons par la méthode d’intégration. Bill McDermott, co-CEO de SAP l’a dit clairement, les yeux collés à son prompteur : « We will run Sybase as a separate company under John’s leadership », ce qui n’a pas besoin d’être traduit. John Cheng est même qualifié « d’énorme leader ».
Tiens... tiens... il me semble avoir déjà entendu cela... un peu coup de Google pour rechercher dans les archives du monde en ligne... et voici « Business Objects will continue to operate as a standalone business under the SAP Group », nous disait Henning Kagermann, CEO de SAP en janvier 2008... vous connaissez la suite.
Il n’a pas fallu longtemps pour que SAP révise ses plans et finisse par absorber totalement Business Objects, tant d’un point de vue humain que produit. Bernard Liautaud lui-même expliquait le jour de la conférence de presse d’annonce de la cession que la culture d’entreprise développée par Business Objects était unique et serait forcément préservée par cette autonomie. C’était sans doute avant qu’il n’ait décidé de quitter SAP quelques mois après.
Hier, John Cheng, CEO de Sybase a expliqué que « Sybase va continuer de fonctionner comme une société indépendante, principalement parce que nous voulons garder le même culture d’entreprise, celle qui a fait notre succès. Nous voulons la préserver... nos clients aiment Sybase et nous voulons aussi préserver cela ».
Mais heureusement, tout le monde est rassuré car Bill McDermott l’a précisé « notre mission est d’être clair, et c’est ce que nous faisons » !
L’histoire n’est finalement nouvelle que pour ceux qui ont perdu la mémoire.

Comment analyser cette apparente incohérence ? Je vous laisserai le choix final, mais voici quelques hypothèses :
- SAP prend l’ensemble des analystes et de son éco-système pour de simples amnésiques : on leur refait le coup de BO, ils n’y verront rien. On annonce que Sybase reste indépendant, que John reste à la tête, et dans quelques mois, on fusionne et John Cheng quitte le groupe avec un gros chèque.
- SAP croit vraiment que cela va mieux fonctionner que cela n’a été le cas avec Business Objects : bon, on s’est trompé avec BO, mais là, ça va marcher. Les deux entreprises vont rester indépendantes et Sybase acceptera quand même de se plier à notre culture européenne (pour ne pas dire germanique).
- SAP reconnait implicitement s’est trompé avec le mode d’intégration musclé appliqué en particulier chez Business Objects France, et ne souhaite pas prendre le risque de nouvelles difficultés avec Sybase : on croyait que BO étant européen, les deux cultures fusionneraient. Par contre avec ces américains, toujours prêts à changer de boite, il ne faudrait pas que les meilleurs ingénieurs partent !
Une incompréhension partagée par certains analystes financiers dont Oddo qui explique ce matin que « malgré toutes les qualités et les compétences dont dispose SAP, il faut reconnaitre que la capacité à bien intégrer des sociétés acquises (ainsi que la négociation des prix payés) ne figure pas en haut de cette liste. Sans vouloir remonter à CommerceOne, TopTier ou TopManage au début des années 2000, les acquisitions de OutlookSoft ou de TomorrowNow ont montré que le risque de perte de substance économique de la cible était grand ».

Autre sujet majeur pour la communauté de l’informatique décisionnelle, l’avenir de Sybase dans ce domaine. Je ne reviendrai pas sur une interview de Hervé Couturier au mois de juin, dont on ne saura que dans plusieurs années si elle était visionnaire ou erronée, mais les clients ont toutes les raisons de se sentir concernés par les choix ou les non choix de SAP suite au rachat de Sybase. Aucun changement dans le plan de développement produit, a annoncé Bill McDermott. Il y a donc des raisons d’être rassuré, au moins à court terme.
En revanche, il faut insister pour que Sybase consente à parler de Sybase IQ. Tout l’accent est mis sur la mobilité, et il faudra attendre les questions des analystes présents à la conférence de presse pour que l’avenir de Sybase ASE et Sybase IQ soit abordé. Concernant les choix futurs que pourrait faire SAP entre BW et IQ, entre ASE 15.5 et NewDB (nom de code de la base de données en mémoire en cours de développement chez SAP), la direction répond aujourd’hui par une pirouette qui ne laisse personne dupe.
Une démonstration alléchante était prévue autour des bases de données en mémoire en développement chez SAP et chez Sybase, concurrent technologique principal des bases de données en colonnes telles que IQ. Malheureusement l’effet Bonaldi a joué à ce moment là et la démonstration à lamentablement planté. Pour avoir eu l’occasion de glisser quelques regards en coulisses de l’organisation des conférences Microsoft où ceinture, bretelles et parachute sont prévus, il est étonnant que SAP soit ainsi tombé dans un piège technique. Mais peut-être la démo n’était-elle pas vraiment prête :-)

Dernier sujet important, et qui nous permet de revenir au thème principal de cette conférence, la mobilité. La vision de SAP combinant mobilité, bases de données en mémoire, semble très en avance sur les besoins du marché et les attentes des entreprises. A la question posée par un analyste des arguments que SAP compte utiliser pour convaincre ses clients d’investir de nouveau dans des systèmes dont ils n’éprouvent pas le besoin aujourd’hui, la réponse est plus que creuse... « bla bla bla » pourrait presque la résumer. L’intervenant de Sybase a d’ailleurs reconnu qu’une décennie serait certainement nécessaire avant que les entreprises ne s’emparent massivement de ces technologies. Une décennie qui a créé une grimace crispée mais bien lisible sur le visage du CEO de SAP...

Si vous voulez revoir en détail le contenu de cette conférence : http://www.sap.com/company/media/100819_Sybase_250.asx



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