SAP veut fusionner opérationnel et décisionnel avec de nouvelles applications en mémoire, mais sans réflexion


Rédigé par par Philippe Nieuwbourg le 10 Mars 2011

Séparés depuis la nuit des temps ou presque, les applications décisionnelles et opérationnelles communiquent mais restent cloisonnées. SAP estime que sa nouvelle technologie « In-Memory Computing » pourrait bousculer ce statu quo et aboutir à terme à la fusion entre les applications décisionnelles et transactionnelles. Et derrière ce rapprochement, il y a en embuscade un autre concept, celui du temps réel, appliqué aux transactions comme aux décisions.



SAP a donc annoncé un plan de développement couvrant de nouvelles applications métiers, exécutées en mémoire. Parmi ces applications, ont été présentées :
- « Sales and Operations Planning » : Planification et budgets opérationnels des ventes; une application qui combine les données de l’ensemble de la chaîne logistique et de la finance pour tester en temps réel l’impact de scenarii s’appuyant sur les données détaillées réelles
- « Intelligent Payment Broker », une application d’aide au choix de modes de financement, basée sur l’analyse des historiques réels, et qui permet d’optimiser la trésorerie disponible
- « Cash and Liquidity Management », également dédiée à l’optimisation de la trésorerie, qui analyse les données détaillées, par région, par client… afin de proposer des actions d’amélioration du cash flow
- « Trade Promotion Management » permet de répondre à la question lancinante : quels investissements commerciaux pour quels produits pour quels clients à quel moment ? Comment cibler les actions de promotion des ventes pour maximiser la marge ?

Mais au-delà de ces applications « analytiques », SAP ne cache pas son objectif de modifier en profondeur l’architecture informatique des systèmes de ses clients. Le « In Memory Computing » est présenté par l’éditeur comme une étape aussi importante que l’arrivée des bases de données relationnelles il y a plusieurs décennies, ou l’émergence plus récente du « cloud computing ». « Grâce à l’architecture « SAP In Memory Computing », fondation des prochaines architectures logicielles, les clients de SAP vont disposer d’analyses réellement novatrices et d’un environnement informatique simplifié », explique l’éditeur. Pour SAP ces nouvelles architectures éliminent les besoins de stockage intermédiaire, d’outils d’intégration et de processus en temps différé. Sans éliminer complètement la base de données, SAP estime que ces technologies en mémoire aideront les clients à réduire leur usage des bases de données, donc des disques, permettant de simplifier l’architecture informatique.

« Nous prédisons un futur où la manière dont les gens vont travailler et penser sera différente, grâce à de nouvelles applications stupéfiantes qui ouvrent de nouveaux horizons sans créer de nouvelles complexités au sein du système d’information », explique Vishal Sikka, directeur technique de SAP et grand promoteur de ces technologies en mémoire.

Fantasme ou réelle rupture ?
Facile avec le recul de réaliser combien l’invention des bases relationnelles, de ArpaNet ou du portable Osborne ont été précurseurs et ont constitué les premières briques de ruptures technologies réelles. Alors que les annonces de produits « révolutionnaires » se succèdent au quotidien, l’analyste aura tendance à se méfier et comme il s’est précipité plusieurs fois sur des révolutions qui n’en furent pas, il tente naturellement de prendre du recul.
Et du recul c’est justement ce qui semble manquer à cette nouvelle manière de travailler que nous propose SAP. Réunir transaction et décision au sein d’un même outil, vanter le temps réel comme objectif ultime semble technologiquement possible… mais absurde du point de vue organisationnel. Le principe même de la décision suppose l’analyse de données, la prise en compte de la dimension temps et… la réflexion. Le concept de réflexion disparaitra-t-il avec les nouveaux outils SAP ?
Il est fréquent de comparer l’art de la guerre et la décision d’entreprise. Peut-on réellement conduire ses troupes lorsque l’on est en première ligne avec comme angle de vue les quelques centaines de mètres que l’on a devant soi ? Si Napoléon dirigeait ses batailles d’une colline, si les avions radars Awacs volent aux alentours de 30 000 pieds, c’est sans doute que le recul est nécessaire. Peut-on réellement décider efficacement en ayant le nez collé à la caisse enregistreuse ? Souvenez-vous de ce magnifique film « Riens du tout », réalisé en 1992 par Cédric Klapisch où Fabrice Luchini campait le personnage d’un directeur de grands magasins fiers de son système décisionnel en temps réel…
Le décideur en temps réel ressemblera-t-il à une girouette, changeant de position et de décision au gré du vent et des chiffres fournis en temps réel par le système ? Le débat est ainsi posé : une bonne décision est-elle une décision prise rapidement ou une décision prise avec recul ? Qu’en pensez-vous ? Qui décidera demain ? Napoléon ou le soldat Ryan ?



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