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Quinze gigaoctets de données par vol : accompagnez-moi dans les coulisses de la maintenance préventive des Boeings 787


Rédigé par Christophe Conche, Teradata le 18 Septembre 2017

« Bonjour, et bienvenue à bord de ce vol à destination de Toulouse. Veuillez redresser le dossier de votre siège, replier votre tablette et ranger tous vos effets personnels sous le siège devant vous. Vous pouvez vous reposer en confiance, les 10 000 capteurs de ce Boeing 787 vont assister notre commandant de bord et son équipage afin de vous garantir un vol agréable et en toute sécurité ». Nous n’en sommes pas encore à ce stade d’information des passagers, mais déjà capteurs, ordinateurs de bord, et systèmes analytiques au sol, apportent aux équipes de maintenance des avions, toutes les informations et analyses nécessaires pour optimiser leurs opérations, et améliorer la sécurité des vols. En cette période de vacances, vous avez peut-être pris l’avion pour parcourir l’Europe ou le Monde. Découvrons ensemble comment cela fonctionne. Je vous invite dans les coulisses de l’analyse des données aéronautiques.



Photo by José Martín Ramírez C on Unsplash
Photo by José Martín Ramírez C on Unsplash
Lorsque vous vous reposez tranquillement à plusieurs milliers de mètres d’altitude, votre Boeing reste à l’écoute de l’ensemble de ses composants. Ce sont en effet environ 10 000 capteurs qui surveillent et mesurent en permanence ce qui se passe dans l’aéronef et son environnement extérieur : le fonctionnement des moteurs, les températures, pression, vibrations, électricité, turbulences, altitude, humidité… les paramètres à étudier sont nombreux. Et lorsqu’un incident se produit, c’est l’enchaînement des événements et l’étude de l’ensemble de ces paramètres qui permettent de comprendre et de réparer.

Mais les capteurs ne sont pas la seule source d’information. Lorsque l’avion se pose, pendant que vous débarquez, et avant que le vol suivant ne soit ouvert, plusieurs types de données sont téléchargées et analysées :

- Le journal de bord de l’équipage tout d’abord, qui contient des informations textuelles, prises en notes par le commandant de bord et son équipe pendant le vol. Ce texte, non structuré, est analysé automatiquement car il peut contenir des informations précieuses sur le déroulement du vol ;
- Les données envoyées en temps réel pendant le vol, lorsqu’un événement est survenu sur l’un des moteurs ; il s’agit le plus souvent d’une anomalie bénigne, passée totalement inaperçue par les passagers, mais susceptible d’alerter les équipes de maintenance sur une opération de vérification à mener ;
- Les données de l’ensemble des capteurs. Ces données, qui ne présentaient pas un caractère d’urgence, sont stockées dans l’appareil pendant le vol, et téléchargées à l’atterrissage.

La fameuse « boite noire », dont on parle malheureusement lors des accidents, et qui est en réalité orange, est ce que l’on appelle un « enregistreur de vol ». Elle sert à collecter toutes ces données, et son contenu est téléchargé à chaque atterrissage, avant qu’elle ne soit réinitialisée pour le vol suivant.

Le problème : mettre dans le bon ordre 15 Go de données par vol

Christophe Conche, Global Sales Director (Airbus, Safran, Thales et Dassault Aviation)  chez Teradata
Christophe Conche, Global Sales Director (Airbus, Safran, Thales et Dassault Aviation) chez Teradata
L’entrepôt de données qui collecte l’ensemble de ces informations, récupère donc de sources diverses, des données, structurées et non-structurées, dont l’analyse permettra de comprendre un événement et de prendre des décisions.
Les équipes de maintenance peuvent être confrontées à situation suivante : le commandant de bord a noté dans le journal de bord avoir entendu, en début de descente, un bruit venant du moteur gauche, pendant quinze secondes. Que faut-il faire ? Y a-t-il lieu de prévoir une opération de maintenance ? D’où pouvait provenir ce bruit et par quels paramètres a-t-il été provoqué ? Et plus directement… l’avion peut-il repartir pour son prochain vol, en toute sécurité pour les passagers et l’équipage ?

Pour réaliser cette analyse, en quelques minutes, il faut connecter l’ensemble des données, et recréer l’enchaînement des événements. Et l’on parle bien ici de Big Data. Chaque vol d’un Boeing 787 va générer environ 15 Go de données, sous forme d’une table de 60 millions de lignes. Et bien sûr, il faut comparer les données d’un vol avec celles d’autres vols, pour éventuellement établir des corrélations. Il y a environ 340 00 vols de 787 par an. Ce sont donc des milliards de lignes et plusieurs pétaoctets de données qui doivent être analysées.

Les capteurs n’envoient pas leurs données exactement en même temps. Il serait impossible de cadencer plusieurs milliers de capteurs à la milliseconde près. Et beaucoup de capteurs n’envoient un signal que lorsque l’information est modifiée. Pas de signal signifie donc que la dernière valeur est toujours d’actualité.
Le premier travail consiste alors à aligner dans le temps l’ensemble des données à la milliseconde près pour répondre à la question : Quel était le statut de l’ensemble des capteurs du vol à un instant précis ? Boeing avait initialement développé cela au travers d’une base de données SQL traditionnelle. Mais il fallait 200 heures de requêtes pour analyser 100 heures de données de vol ! Impossible de mettre en place une analyse en temps réel ou de calculer des modèles de machine learning.

La solution : une base de données temporelle pour repérer les liens entre les événements

Pour y parvenir, Boeing a utilisé les fonctions d’analyse temporelle présentes dans la base de données Teradata 14.10. Il s’agit d’un jeu de fonctions supplémentaires, qui optimisent la manipulation et le requêtage des données temporelles.
D’un point de vue technique, les données issues des enregistreurs de vols, sont tout d’abord déversées dans un data lake, une structure de fichiers Hortonworks Hadoop. Elles y sont alors normalisées ; c’est-à-dire que l’ensemble des données temporelles est remis en cohérence et aligné. Puis les données, au travers de Hive et de Teradata QueryGrid (qui permet de requêter en SQL le lac de données Hadoop), sont injectées dans l’entrepôt de données Teradata, où sont implémentées les fonctions de gestion des données temporelles. Les données sont alors disponibles sous forme d’une « table des faits », et peuvent être requêtées.
Autre objectif, réduire le volume des données en transformant chaque suite d’instants en une période de temps. Ainsi lorsque les données ne changent pas, il devient inutile de conserver l’ensemble des informations. Seuls les points de données sont conservés lorsqu’une donnée est modifiée. Dans la base de données, une « période » devient un type de données temporel, et fait partie de ces nouvelles fonctions que j’évoquais plus haut.
Ce travail permet donc de résoudre deux problèmes : l’alignement temporel des données ; et l’intersection temporelle.
Cette intersection temporelle, permet au travers d’une commande SELECT classique, de connaitre l’état de l’ensemble des capteurs à un instant T, et ainsi d’établir des corrélations entre différents événements.

Des gains évidents en volume de données, et en efficacité de requêtage

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les 15 Go de données par vol téléchargées depuis l’enregistreur de vol, sont réduits à 190 Mo une fois les données temporelles traitées. La fonction de normalisation des données temporelles permet de réduire parfois jusqu’à 292 fois le nombre de lignes de données.
Et en matière d’analyse, les gains sont encore plus impressionnants. Nous évoquions plus haut les 200 heures nécessaires à l’exécution d’une requête sur 100 heures de vols… il suffit maintenant de 17 minutes pour analyser les données de 1000 vols ! D’un point de vue métier, cela signifie que les data scientists peuvent conduire plus d’investigations, plus de recoupements, tester plusieurs modèles d’incidents potentiels, et donc finalement améliorer à la fois la prévision des opérations de maintenance, et la sécurité des vols.
Et dans le futur, les données audio et images pourront être collectées et analysées de la même façon, replacées dans un chaîne temporelle d’événements. On pourra alors requêter de la même façon pour savoir si deux sons ou deux images, sont identiques dans une même période de temps. Les mêmes principes de normalisation et de gestion des périodes seront ici appliqués à des données non structurées.

Lorsque vous monterez à bord de votre prochain vol, ayez une pensée pour ces algorithmes qui ont travaillé dans les minutes qui précèdent, afin de vous garantir un départ en vacances ou un retour en toute sécurité. C’est la face cachée de ce monde merveilleux de l’aviation. Les travaux de Clément Ader et des frères Wright ont plus de cent ans, mais c’est finalement très peu quand on constate les progrès accomplis. Aujourd’hui, en vol et au sol, les technologies de collecte et d’analyse de données, sont indispensables pour garantir le bon fonctionnement de tous ces appareils et continuer de poursuivre ce rêve d’Icare, voler.

Biographie :
Christophe Conche cumule 19 ans d’expérience auprès de grands éditeurs de logiciels. Il est aujourd’hui à la tête du pôle Aéronautique et Défense, au sein de Teradata. Christophe Conche s’est, lors de sa précédente expérience, employé à montrer comment des solutions innovantes pouvaient transformer le secteur de l’aéronautique. Aujourd’hui, Christophe Conche voudrait, de la même façon, convaincre qu’une valorisation des données pourra servir le secteur de l’aéronautique.




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